FINANCE DURABLE : Contraintes ou opportunités ?

Un enjeu pour les PME & ETI

Mardi 28 mai avait lieu le petit-déjeuner consacré à la CSRD que l’équipe de Verae Consulting co-organisait avec le Club Réussir et le MEDEF Haute-Garonne. Un riche panel d’intervenants avait été réuni pour l’occasion :

  • Gérard DESARMAUX - Directeur des Services Economiques de la Banque de France
  • Valérie JIMENEZ - Vice-Présidente du MEDEF Haute-Garonne,
  • Laure MULIN - Présidente du CRCC
  • François MOUCHONNIER - Directeur Administratif et Financier du Groupe PARERA
  • Rémi POSTIC - Dirigeant de Verae Consulting
  • Romain PAROUTI - Président de Verteus.

    Ayant eu le plaisir d’animer cette matinale, nous vous en livrons ici un compte-rendu reprenant les points clés abordés par les six invités.

  • LA CSRD, UN NOUVEAU CADRE EUROPÉEN AU SERVICE DES ENJEUX CLIMAT

    Gérard Desarmaux et Laure Mulin sont venus rappeler le contexte et les motivations à l’origine de la CSRD :

    La finance durable s’inscrit dans une perspective de long terme, dans la droite lignée des Objectifs de Développement Durable et de l’Accord de Paris signé en 2015 par les 196 parties pour contenir le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés d’ici 2100.

     

    Cet accord a donné naissance à une feuille de route européenne et au Pacte vert européen (Green deal), pensé pour servir un objectif commun : la neutralité carbone à horizon 2050.

     

    Ce Pacte vert européen s’appuie sur 4 piliers : 1. la croissance, 2. l’environnement, 3. l’énergie & le climat, et 4. la finance durable.

    Ce quatrième pilier de la finance durable vise ainsi à réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable et à intégrer systématiquement la durabilité dans la gestion des risques.

     

    La CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive ou Directive sur le rapport de durabilité, est l’outil issu de la transposition en droit français fin 2023 de ces textes européens.

     

    Depuis début 2024, la CSRD pose ainsi un nouveau cadre pour nos entreprises, prenant la suite de la DPEF.

    S’inscrivant dans la logique de la taxonomie environnementale, elle doit servir à reporter les ratios de chiffres d’affaires qui se rattachent à des activités dites « durables » selon la classification européenne.

     

    Cette vision macro est aussi celle portée par Verae Consulting : Rémi POSTIC a ainsi témoigné avoir « reçu une première claque » en lisant le rapport du GIEC il y a quelques années, puis une deuxième en prenant conscience des 9 limites planétaires dont 7 sont aujourd’hui franchies.

    C’est d’ailleurs selon lui cette prise de conscience à l’échelle de milliers d’habitants qui, dans un pays démocratique comme la France, pousse peu à peu les institutions à traduire ces nouveaux enjeux en lois et cadres légaux contraignants, car c’est elle qui témoigne que la société civile (dont les chefs d’entreprise) a la maturité nécessaire pour les accepter.

    LES GRANDS PRINCIPES DE LA CSRD

    Avec ce nouveau référentiel commun, les entreprises françaises sont désormais soumises à des exigences clairement définies et normées en matière de reporting de durabilité.

     

    Ont ainsi été établis comme critères :

    • le principe de double matérialité
    • le rôle des organes de gouvernance, en intégrant bien toutes les parties prenantes ;
    • l’utilisation d’informations standardisées s’appliquant à toute la chaîne de valeur – pas de panique néanmoins, on parle bien ici uniquement des thématiques qui concernent votre entreprise, c’est-à-dire ses impacts et ceux de sa chaîne de valeur au vu de ses activités ;
    • le lien établi avec le reporting financier (incidence de vos impacts d’activité sur vos actifs / matérialité financière)
    • et le fait que ce rapport CSRD soit inclus dans le rapport de gestion et vérifié par un auditeur.

     

    En créant ainsi des indicateurs pour mesurer les risques, les opportunités et les actions mises en oeuvre pour y répondre (plan de transition, de décarbonation…), la CSRD permet aux entreprises de se fixer des cibles pour mesurer année après année leur performance et bien évidemment s’améliorer.

     

    Pour Verae Consulting, c’est cette mécanique financière qui fait de la CSRD un véritable game changer en matière de RSE.

    LES LIENS ENTRE CSRD ET FINANCIARISATION DES ENTREPRISES

    Pourquoi les Banques Centrales, et en particulier la Banque Centrale Européenne et la Banque de France, s’emparent de cette question ?

     

    Car une Banque Centrale a deux missions fondamentales :

    • la première est d’assurer la stabilité des prix, et pour anticiper l’inflation, il faut prévoir l’activité économique. Or le réchauffement climatique, avec ses évènements extrêmes, vient la perturber.
    • la seconde mission réside dans la stabilité du système financier, afin que les actifs détenus par les institutions financières ne soient pas affectés par des risques de pertes liées au changement climatique.

     

    Pour répondre à ces enjeux, les institutions financières analysent leurs risques et établissent des projections (stress tests, plans de transition…) avec notamment la modélisation de 3 scénarios, à court et à long terme. Ces outils sont aujourd’hui demandés aux banques et aux assurances mais le verdissement de la politique monétaire avait démarré dès 2017.

     

    La CSRD fournit bien entendu un excellent outil à ces institutions pour analyser les performances des entreprises : les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sont intégrés dans les analyses des banquiers, notamment pour l’octroi de crédits. Les banques ne vont plus se limiter à l’étude du Business Plan : les indicateurs extra-financiers vont peser dans leurs arbitrages, pour des prêts plus ou moins bonifiés.

     

    Les banques doivent en effet elles aussi tendre vers une décarbonation de leur bilan car elles adhèrent à la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), qui sous-tend des engagements très forts auprès du superviseur européen. Il leur faut par exemple « scorer » leur bilan sur leurs crédits immobiliers, mesurer combien leur groupe « pèse » de tonnes équivalents CO2 en fonction des émissions produites par leurs clients.

    LA NOTATION CLIMAT DE LA BANQUE DE FRANCE

    Cette lame de fonds en finance responsable est encore confortée par la notation sur le climat que la Banque de France est en train de mettre en place.

     

    Ce mécanisme destiné à apprécier la progression d’une entreprise sur le climat va s’articuler autour de 3 axes :

    1. Quantitatif, en s’intéressant aux investissements prévus par les entreprises pour s’adapter à l’enjeu climatique plutôt que de s’exposer à un ajustement brutal. Cet axe est développé en partenariat avec l’ADEME.
    2. Physique, avec une analyse des zones à risque climatique, mené en partenariat avec Météo France.
    3. Et enfin un troisième axe plus subjectif, consacré à la gouvernance. Destiné à évaluer la maturité des entreprises sur ces questions, il sera traité sous forme d’entretiens avec les dirigeants.

     

    300 entreprises ont déjà fait l’objet de cette notation Climat en 2023 ; la Banque de France vise les 20 000 en 2027, permettant de toucher les secteurs les plus émetteurs.

     

    Cette approche considère aussi un enjeu de simplification, de façon à constituer une collecte mutualisée des données sur la place financière dans une base de données unique

    ET SUR LE TERRAIN, COMMENT LES ENTREPRISES PASSENT-ELLES À LA PRATIQUE ?

    Après avoir rappelé l’engagement de longue date du MEDEF en RSE, avec par exemple la signature de Charte de la Diversité dès 2012, Valérie JIMENEZ a témoigné de la prise de conscience précurseur de Jimenez groupe dans un secteur – le transport – où les notions environnementales ou d’égalité femme-homme sont encore trop souvent passées sous silence.

    Comptant 700 salariés, Jimenez groupe est certifié qualité, sécurité et environnement et mène une politique volontariste tant sur les fronts de l’emploi, que de l’environnement ou du social : flotte de camions aux technologies les plus avancées pour émettre le moins possible, féminisation des métiers avec par exemple 8% de femmes conductrices, politique de lutte contre le harcèlement, co-fondation d’une union d’entreprises locales engagées auprès des femmes isolées pour leur permettre de se réinsérer…

     

    Pour François MOUCHONNIER du Groupe PARERA, qui emploie 1400 personnes en France et à l’international, les freins à la mise en place d’une politique RSE sont toujours les mêmes : le coût, et le temps.

    L’aspect « coût » peut cependant facilement être compensé grâce aux importants gains de productivité induits par une approche de finance responsable, par exemple avec le passage en digital qui supprime les coûts de papier ou encore la prise en compte du TCO pour les flottes auto.

    Quant au temps, il est indéniable que la collecte des informations pour nourrir les indicateurs prend du temps mais c’est normal, et le ROI en vaut la peine, d’autant qu’on peut obtenir des financements de la part de la BPI.

    Pour M. Mouchonnier, la notion de gouvernance est fondamentale pour assurer le succès de l’opération : il faut que la direction impulse l’approche responsable et que tous les niveaux de l’entreprise soient impliqués, par exemple au sein de commissions de pilotage.

    LES PISTES DE FINANCEMENT POUR LES POLITIQUES RSE

    En termes de financement public, l’ADEME et BPI France financent à 50% les projets de décarbonation. Au niveau régional, l’AREC peut aussi amener des financements mais il faut pour cela remplir des dossiers, ce qui sous-tend souvent d’avoir un responsable RSE ou QSSE pour prendre en charge cette mission.

     

    Autre option proposée par l’entreprise à mission Verae Consulting : l’auto-financement par l’entreprise elle-même, ce qui lui permet de ne pas dépendre de l’accord d’un tiers et d’aller plus vite.

     

    Rémi POSTIC a présenté comment Verae Consulting, dans le cadre des accompagnements RSE qu’ils réalisent pour leurs clients, met en oeuvre ce volet de financement.

     

    Grâce à leur expertise acquise dans l’analyse très fine des coûts indirects des entreprises, Verae Consulting repère les catégories de dépenses où d’importantes économies peuvent être réalisées à court terme chez leurs clients, et élabore le plan d’action qui permet de les réinjecter dans leurs chantiers RSE – notamment dans les domaines où ils ont le plus besoin de progresser du point de vue de la CSRD.

     

    Cette approche basée sur le « recyclage » du gaspillage économique permet de ne pas déséquilibrer les entreprises et de ne pas impacter leur passif ni leur compte de résultat.

     

    Romain PAROUTI de VERTEUS a clôturé cette matinée en donnant justement des exemples sur la manière dont ils optimisaient les dépenses des entreprises sur le poste « gestion du document », inclus dans le scope 3 de la nomenclature CSRD.

     

    Son bureau d’études, actif à Toulouse depuis 15 ans, agit sur 2 leviers principaux :

    1. Dégager des économies
    2. Diminuer l’empreinte carbone des entreprises.

     

    Un quizz avec les participants a permis de rappeler quelques chiffres clés :

    • La durée de vie dun photocopieur professionnel est de 8 ans, or la plupart des contrats de location portent sur 5 ans, ce qui revient à une obsolescence programmée du matériel.
    • Les copieurs proposant du A3 coûtent 50% plus cher que ceux A4 à performance égale, alors que le A3 ne représente que 3% des impressions en entreprise.
    • Une impression couleur coûte 10 fois plus cher par rapport au noir et blanc.
    • 45% des documents imprimés sont jetés dans les 24h en moyenne.
    • La fabrication d’une seule ramette de papier nécessite en moyenne 625 litres deau.

     

    En agissant sur la rationalisation, l’homogénéisation et le bon dimensionnement du parc équipements des entreprises, VERTEUS génère en moyenne 40% d’économies qui peuvent être réinjectées dans les actions de durabilité de ses clients.

    Le bureau d’études propose ainsi des grilles d’analyse très complètes pour mesurer le taux de recyclabilité des équipements, leur consommation électrique, leur éco-conception ou encore leur niveau d’émissions chimiques.

    Enfin, ils sensibilisent et forment les collaborateurs aux pratiques documentaires éco-responsables.

    EN CONCLUSION

    Nous conclurons ce compte-rendu par une information locale donnée par un participant lors de cette riche matinée : les chambres d’agriculture et de commerce du Tarn ont lancé il y a quelques mois un programme de compensation carbone agréé, notamment à destination des entreprises. A tester !